RGB Avocats, avocats au Pérou
(Cet article a été publié dans la revue de la CCI France Pérou en juin 2015. Il a été mis à jour en janvier 2017)
I Introduction
Le dynamisme et l´excellente réputation des entreprises françaises ne se limitent pas à la haute couture, les parfums et la gastronomie, mais s’expriment également à travers les technologies de pointe : automobile, transports, télécommunications, aéronautique, spatial, nucléaire, eau et assainissement, énergie, logiciels et biens de consommation, pour en citer quelques exemples.
Ainsi, il est très usité que, dans le cadre des contrats à l´international avec des clients péruviens, des sociétés francaises livrent des services à forte valeur ajoutée technologique susceptibles d´être considérés au Pérou comme étant de l´ « assistance technique ».
L´intérêt d´une telle qualification réside dans le fait que l´assistance technique fournie par une société étrangère au profit d´une société péruvienne bénéficie d´une retenue à la source avantageuse au Pérou, de 15% au lieu de 30%.
En effet, l´article 9 alinéa j) de la Loi de l´Impôt sur le Revenu au Pérou considère que les revenus obtenus par des personnes, qu´elles soient domiciliées ou non au Pérou, constituent des revenus de source péruvienne dès lors qu´ils proviennent de l´assistance technique lorsque celle-ci est utilisée économiquement au Pérou.
Ainsi, les revenus qui proviennent de prestations qualifiées d´assistance technique et qui sont fournies par une personne morale non domiciliée au Pérou sont donc soumis à l´impôt au Pérou à un taux avantageux.
Il est donc important pour les sociétés françaises de bien connaître les contours de cette notion afin que dans les contrats avec les sociétés péruviennes cette notion apparaisse de façon très claire.
En effet, en l´absence d´une définition claire de la nature du service d´assistance technique, la société péruvienne pourrait être tentée de taxer ce service avec une fiscalité plus élevée, c´est à dire 30% au lieu de 15%, ce qui réduirait une bonne partie de la marge commerciale qui résulterait de l´opération.
Cet article a pour objet de définir synthétiquement le concept d´assistance technique ainsi que son régime applicable.
II Analyse
1.- Le concept d´assistance technique
La loi péruvienne prévoit une définition large d´assistance technique où peuvent loger plusieurs services, mais à condition de remplir certaines caractéristiques très précises. Ensuite, elle vise des cas spécifiques d´assistance technique. Enfin, elle énonce des cas spécifiques d´exclusion de la définition d´assistance technique.
a) Une définition large mais avec des caractéristiques très précises
La définition générale de l´assistance technique au Pérou se trouve dans l´article 4-A, alinéa c) du Règlement de la Loi de l´Impôt sur le Revenu.
L´assistance technique est ainsi définie comme tout service indépendant, fourni depuis l´étranger ou au Pérou, selon lequel le prestataire s´engage à utiliser ses compétences au moyen de certains procédés, arts ou techniques ayant pour objet de fournir des connaissances spécialisées non brevetables et qui soient nécessaires dans le processus de production, de commercialisation, de prestation des services ou de toute autre activité réalisée par le bénéficiaire. L´assistance technique comprend aussi la formation des personnes pour la mise en application de ces connaissances spécialisées.
Cette définition est caractérisée par le fait qu´elle implique la transmission d´une connaissance nécessaire à l´activité économique du bénéficiaire. Dans cette définition, les éléments suivants doivent exister de façon cumulative afin de caractériser l´assistance technique.
(i) L´assistance technique est un service indépendant. Il s´agit d´une prestation devant être fournie par une société au profit d´un bénéficiaire.
(ii) L´assistance technique est fournie depuis l´étranger ou sur place au Pérou. Ainsi par exemple même si une société française ne déplace aucun salarié au Pérou pour l´exécution d´un contrat, si celui-ci qualifie comme de l´assistance technique il faudra payer des impôts au Pérou.
(iii) L´assistance technique implique que le prestataire s´engage à utiliser ses compétences au moyen de certains procédés, arts ou techniques.
(iv) L´assistance technique implique que le fournisseur transfère des connaissances spécialisées. Ce transfert des connaissances se traduit par un livrable pouvant être un rapport contenant des instructions ou des recommandations.
(v) L´assistance technique a pour objet de fournir des connaissances spécialisées non brevetables. L´objet du contrat n´est donc pas le paiement des royalties.
(vi) L´assistance technique doit être nécessaire à l´activité économique du bénéficiaire. Ainsi, l´assistance technique doit s´insérer dans le cycle économique productif du bénéficiaire.
A côté de cette définition qui implique le cumul des caractéristiques que l´on vient de passer en revue, il en existe une autre. Cette deuxième définition englobe toute une série des services que l´on indique ci-après.
b) Des cas spécifiques d´assistance technique
Les services suivants sont considérés en tout état de cause être de l´assistance technique :
(i) Les services d´ingénierie. Ces services incluent l´exécution et la supervision du montage, installation, et mise en marche des machinés, équipements et usines ; la calibration, inspection, réparation et entretien des machines, équipements et la réalisation d´essais, incluant le contrôle de qualité, les études de faisabilité, et les projets définitifs d´ingénierie et d´infrastructure.
(ii) La recherche et le développement de projets. Ces services portent sur l´élaboration et exécution des programmes pilotes, la recherche et les expériences en laboratoire, les services d´exploitation et la planification ou programmation technique des unités de production.
(iii) Le conseil financier. Ces services portent sur le conseil relatif à la valorisation des entités financières et bancaires et l´élaboration au niveau international des plans, des programmes et de la promotion en vue de la vente de ces entités. De même l´on trouve l´assistance dans le but de la distribution, du placement, et de la vente de ces titres émis par des établissements financiers.
Enfin, un certain nombre de cas ont été exclus expressément de la définition de l´assistance technique.
c) Des cas spécifiques exclus expressément de la définition d´assistance technique
On ne peut pas considérer les cas suivants comme de l´assistance technique :
(i) Les contreprestations payées aux salariés du bénéficiaire au titre des services fournis conformément à leurs contrats de travail.
(ii) Les services de marketing et de publicité.
(iii) Les informations sur les améliorations, perfectionnement, et d´autres nouveautés relatives aux brevets d´invention et à d´autres procédés similaires.
(iv) Les activités développées afin de fournir des informations relatives à l´expérience industrielle, commerciale et scientifique en échange de royalties dès lors que les informations communiquées n´ont pas pour but la génération de revenus.
(v) La supervision d´importations.
Le périmètre de la définition d´assistance ayant été défini, il convient de traiter le régime applicable à l´assistance technique.
2.- Le régime applicable à l´assistance technique
Ce régime n´est autre chose que l´intérêt pratique de la qualification d´assistance technique que l´on peut résumer en deux points : une fiscalité avantageuse, et la nécessité de disposer d´un rapport de certification d´assistance technique.
a) Une fiscalité avantageuse
Les paiements au titre de l´assistance technique fournie par une société étrangère à une société péruvienne seront soumis à une retenue à la source de 15% au lieu de 30%. Cette fiscalité est avantageuse par rapport à d´autres services fournis par une société étrangère au Pérou dont la plupart sont assujettis à un taux de 30%.
De plus, il faut noter que s´il est vrai que le taux d´imposition s´applique sur les revenus bruts payés par la société péruvienne, la base imposable de ces revenus n´incluent pas les billets d´avion et les per diem assumés par le bénéficiaire de ce service comme ce serait le cas pour tout autre service autre que celui relatif à l´assistance technique.
Ainsi par exemple :
Une société française « F » fournit au Pérou un service NON considéré comme de l´assistance technique au profit d´une société péruvienne « P » pour 1 000 000 d´euros. De plus, « P » prend en charge les billets d´avions et le logement des employés de la société « F » pour 10 000 euros1. La retenue à la source que devra supporter « F » ne sera pas uniquement sur une base imposable de 1 000 000 d´euros, mais sur 1 000 0000 d´euros + 10 000 euros, c´est à dire que la retenue à la source sera de 30% de 1 010 000 euros.
En revanche, dans un autre exemple la société française « F » fournit au Pérou un service considéré comme de l´assistance technique au profit d´une société péruvienne « P » pour un 1 000 000 d´euros. De plus, « P » prend en charge les billets d´avions et le logement des employés de la société « F » pour 10 000 euros. La retenue à la source que devra supporter « F » sera calculée uniquement sur la base de 1 000 000 d´euros, c´est à dire 15% % de 1 000 000 d´euros.
b) La nécessité de se procurer un rapport d´assistance technique
Compte tenu de ce régime de faveur, l´article 56 alinéa f) de la Loi de l´Impôt sur le Revenu au Pérou, dispose que le bénéficiaire local su service devra obtenir et présenter au fisc péruvien (SUNAT) un rapport d´une société d´audit où l´on certifie que l´assistance technique a été fournie effectivement.
Cette obligation s´applique dès lors que la contrepartie totale pour les services d´assistance technique dans un même contrat y inclus ses renouvellements et/ou avenants, dépasse 140 UIT2 au moment de sa conclusion.
Au vu de l´impact fiscal de la qualification d´assistance technique l´investisseur français devra faire extrêmement attention à définir et quantifier précisément les prestations d´assistance technique dans le contrat à conclure avec la société péruvienne. En effet, en l´absence de cette ventilation, l´administration fiscale appliquera pour l´ensemble du contrat la fiscalité de la prestation prépondérante au sein du contrat, ce qui pourrait donner lieu à des incertitudes qu´il est préférable d´éviter pour une question de prévisibilité de son investissement.