Après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’immigration (Decreto Legislativo N°1350) le 1er mars 2007 (la « Nouvelle Loi »), son règlement d’application (Decreto Supremo N°007-2017-IN), a bien été publié le 27 mars 2017 (le « Règlement »).
L’entité en charge de l’immigration au Pérou, MIGRACIONES, devra publier dans environ 3 mois son TUPA, (Texto Único de Procedimientos Administrativos) qui est une sorte de bible contenant les procédures à suivre dans chaque cas. Néanmoins, l’on peut d’ores et déjà indiquer les traits saillants de cette nouvelle règlementation sur l’immigration au Pérou.
1. C’est confirmé pour les touristes : fini le border-hopping
Selon la Nouvelle Loi les touristes étrangers ne pourront plus effectuer de séjour au Pérou d’une durée supérieure à 183 jours au cours d’une période de 365 jours. Cette période ne peut pas faire l’objet d’extension. Cela veut dire que compte tenu de cette limite dans le temps, l’on ne pourra plus s’adonner à cette pratique dite du border-hopping qui consistait à quitter le Pérou et à revenir de suite afin de bénéficier d’une nouvelle autorisation de séjour en tant que touriste.
2. Attention aux amendes
Voici quelques situations de fait interdites par la Nouvelle Loi et qui font l’objet d’amendes:
Montant de l’amende | ||
1. | Rester au Pérou au-delà du délai de séjour accordé (délai de permanence) | 0,1% d’une UIT* par jour d’excès, c’est-à-dire 4,20 soles par jour pour l’année 2019 |
2. | Être rentré au Pérou avec un avec un passeport et en sortir avec un autre d’une autre nationalité | 5% d’une UIT, c’est-à-dire 210 soles pour l’année 2019 |
3. | Ne pas avoir mis à jour les informations du carné de extranjería dans les 30 jours à compter du changement (p. ex. changements de résidence, état civil, employeur) | 1% d’une UIT, c’est-à-dire, 42 soles par mois |
4. |
Ne pas avoir demandé l’extension du visa pendant son délai de validité |
1% d’une UIT c’est-à-dire, 42 soles par jour de retard |
5. | Réaliser des activités qui ne correspondent pas à celles prévues dans la qualité migratoire ou le visa | 10% d’une UIT c’est-à-dire, 420 soles |
*UIT = Unité d’imposition fiscal qui est de 4 200 soles pour 2019 |
L’étranger qui n’a pas régularisé sa situation dans un délai de 30 jours calendaire à partir du jour où il est devenu irrégulier pourrait faire l’objet d’une sanction de reconduite à la frontière, en plus d’une interdiction de retour pour une période de 5 ans. On devient « irrégulier » dès lors que l’on reste au-delà du délai de séjour accordé.
3. Les « qualités migratoires » temporaires
Le Règlement comporte une grosse erreur conceptuelle dans la mesure où il dispose que les « qualités migratoires temporaires » supposent que les étrangers ne perçoivent pas de revenu de source péruvienne, alors que dans cette catégorie l’on y trouve les salariés temporaires, et les détachés (designados) temporaires. Ne nous égarons pas, ces étrangers qui travaillent au Pérou reçoivent bel et bien de revenus de source péruvienne et sont donc tenus par le droit fiscal de payer leurs impôts au Pérou, sauf en cas d’application d’une convention fiscale.
4. Affaires : on y ajoute de l’assistance technique
La nouveauté ici est que le détenteur d’un visa d’affaires (negocios) aura le droit de fournir de l’assistance technique spécialisée au Pérou. A noter que le visa d’affaires s’obtient assez rapidement auprès des services consulaires péruviens dans le pays d’origine. Le délai de séjour est de 183 jours au cours d’une période d’un an. Le détenteur d’un visa d’affaires pourra fournir de l’assistance technique spécialisée. Pour rappel, les ressortissants de l’espace Schengen peuvent demander à rentrer au Pérou avec la catégorie « affaires » -sans demande préalable de visa- mais uniquement pour une durée de séjour de 90 jours au cours d’une période de 6 mois. Cette catégorie permet de signer de contrats sans demander d’autorisation auprès de MIGRACIONES.
5. Travailleurs, travailleuses
La Nouvelle Loi a étendu la catégorie « travailleurs » pour y inclure non seulement les salariés, mais aussi les indépendants ayant un contrat de prestation de services. Cependant, la lecture du Règlement peut laisser perplexe car il demande en tant que condition d’octroi de cette catégorie migratoire que le travailleur indépendant résidant ait un numéro d’identité fiscale dit « RUC ». Il doit s’agir d’une erreur car le demandeur d’une catégorie migratoire de travailleur par définition ne détient pas encore les papiers pour avoir un RUC. C’est plutôt à l’employeur que l’on peut exiger le RUC
De plus, le Règlement indique que le travailleur temporaire n’a pas le droit de réaliser d’activité à but lucratif à titre personnel ou pour des sociétés différentes. On avait pourtant cru que l’un des objectifs de la Nouvelle Loi était de rendre plus souple le travail des étrangers, mais le Règlement place cette liberté dans un lit de Procuste.
Le délai de séjour pour le salarié temporaire est de 183 jours au cours d’une période d’un an pouvant faire l’objet d’un renouvèlement et celui du salarié résidant est de 365 jours pouvant faire l’objet d’extensions.
6. Formation : nouvelle catégorie qui remplace celle d’« étudiant »
La Nouvelle Loi a opéré un élargissement salutaire de cette catégorie migratoire appelée jadis « étudiant ». Désormais, la catégorie « formation » inclut la possibilité de réaliser tous les stages permis en droit péruvien. En cas de catégorie formation « temporaire » le délai de permanence autorisé sera de 90 jours que l’on peut proroger une seule fois pour une même durée. En cas de catégorie formation « résident », le délai est de 365 jours renouvelables. Rappelons que les ressortissants de l’espace Schengen peuvent demander à rentrer au Pérou avec la catégorie « étudiant » -sans demande préalable de visa- mais uniquement pour une durée de séjour de 90 jours au cours d’une période de 6 mois.
7. Famille de résident : un élargissement du concept et une reconnaissance claire du droit au travail
La Nouvelle Loi a étendu le cercle familial en y ajoutant le concubin de même sexe, l’enfant du concubin et les beaux-parents en tant que membres de la famille d’un étranger pouvant demander un carné de extanjería. D’autre part, le membre de la famille du résident se voit reconnaître un droit au travail que ce soit en tant que salarié ou comme free-lance. Un point très positif à souligner est qu’en cas de décès, abandon ou séparation, le bénéficiaire ne perd pas sa catégorie migratoire. Le délai de permanence pour les membres de la famille d’un péruvien est de deux ans et d’un an pour les membres de la famille d’un résident étranger.
8. Investisseurs : une exigence excessive en termes du montant de l’investissement !
Avant l’entrée en vigueur du Règlement le montant demandé aux investisseurs étrangers était de 30 000 dollars US, alors que désormais l’on exige 500 000 soles, ce qui équivaut environ à 153 000 dollars US ! De plus, l’étranger ne pourra plus réaliser son investissement par l’achat d’actions d’une société, ce qui est plutôt restrictif. On peut imaginer que cette catégorie migratoire ne sera pas la plus demandée.
9. Une nouvelle lourdeur : la création d’un carné pour détenteurs de visas temporaires
En effet, les étrangers ayant une catégorie migratoire du type temporaire, et qui souhaitent réaliser d’activités non prévues dans ce type de catégorie migratoire, seront obligés de demander un CTM (carnet temporaire migratoire).
Ainsi, un touriste qui souhaite signer un contrat devra, en plus de demander une autorisation pour signer des actes, obtenir ce nouveau carnet temporaire migratoire.
10. La catégorie « immigrant » est devenue « permanent »
Auparavant, il fallait séjourner 2 ans en tant que résident au Pérou pour devenir « immigrant », et bénéficier donc d’une résidence à durée illimitée. A l’heure actuelle, ce délai est passé à 3 ans pour la nouvelle catégorie « permanent » qui remplace celle connue sous le nom de « immigrant ».
Dans son ensemble, l’on remarque que la Nouvelle Loi et son Règlement accordent une place prépondérante au respect des libertés fondamentales des migrants et fournissent un cadre normatif plus claire et précis, ce qui est bien sût très positif. Néanmoins, il nous semble que le Règlement devrait faire l’objet de modifications pour corriger quelques erreurs conceptuelles que nous avons soulignées.